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Homélie de la messe en l’honneur de Ste Jeanne d’Arc à Notre-Dame des Miracles

Homélie de la messe à Notre Dame des Miracles, en l’honneur de Jeanne d’Arc, le 2 mai 2024, par le Père Philippe Gauthier

Il y a quelques semaines, le 21 avril, c’était le dimanche de prière pour les vocations. Dans le diocèse d’Orléans, nous avons reçu l’invitation à prier pour les vocations pendant une année, avec une prière que je citerai en conclusion, qui mentionne beaucoup Ste Jeanne d’Arc. La vie de chaque baptisé a pour source l’amour de Dieu, l’appel de la part de Dieu à ce que chacun se réalise dans sa voie, pour son bonheur, et pour le bonheur des autres. Nous pourrons élargir la vocation à toute orientation de vie pour plus de fraternité et d’égalité dans notre société.

Jeanne a été appelée à une vocation spécifique. Comme tous les chrétiens, elle a été appelée à la sainteté, et l’Église a reconnu sa sainteté. Mais son chemin de sainteté n’a été semblable à aucun autre. Je voudrais reprendre sa vocation, avec l’aide de Charles Péguy, pour nous exhorter chacun à répondre ‘oui’ à l’appel que Dieu lui adresse pour se réaliser dans sa voie propre, pour son bonheur, et pour le bonheur des autres.

Charles Péguy, nous le savons, est quelqu’un de bien, puisqu’il est orléanais ! Il est quelqu’un de bien, puisqu’il a bien parlé de Jeanne d’Arc, avant même que sa sainteté ait été déclarée
officiellement par l’Église. Sa première œuvre, écrite en 1897, s’intitule Jeanne d’Arc. À partir de ce texte poétique, je voudrais souligner 3 aspects de la vocation.

  • Le premier aspect, je l’intitulerai : une vocation en entraîne une autre
  • Le deuxième aspect concernera la prière pour les vocations
  • Le troisième aspect concernera le temps de la maturation.

 

D’abord, une vocation en entraîne une autre.

Au début du drame, Jeanne qui a 13 ans, discute avec Madame Gervaise, qui entre au couvent. Cette vocation à la vie contemplative est un engagement qui marque son entourage. Jeanne a voulu parler avec elle. Une personne qui engage sa vie radicalement au nom de sa foi suscite question, admiration, parfois rejet aussi, incompréhension peut-être. Madame Gervaise, pourtant, se pose des questions. Son choix est-il le bon ? au moment où les Anglais ont envahi la France, n’est-ce pas une fuite que de s’enfermer dans un monastère ? Mais, au-delà des questions, un tel choix ne laisse pas indifférent. Il provoque dans l’entourage des questions sur le sens de la vie, son but. Chacun, en voyant l’engagement des autres, est renvoyé à la question : ‘et toi, que fais-tu de ta vie ?’ ‘Et toi, à quoi es-tu appelé ?’. Un choix de vie radical, un engagement plus audacieux que toute logique pousse les autres à la vérité. Quelqu’un qui donne sa vie pour une cause qui le dépasse oblige à abandonner l’aspect superficiel de la vie, favorise l’expression de la profondeur de l’existence.

Jeanne va chercher à lui parler, pour lui exprimer ses réactions face à la situation politique qui la fait souffrir. C’est cette rencontre qui va lui permettre de laisser l’Esprit la travailler, et finalement lui faire choisir de laisser s’épanouir sa propre vocation. Une vocation en entraîne une autre.

 

Le deuxième aspect : la prière pour les vocations.

Cette prière pour les vocations, Jeanne va la faire. Elle espère la venue d’un guerrier qui rende libre la France. Elle prie pour que quelqu’un ait cette vocation. Comme nous prions pour que des personnes répondent aux appels de Dieu qui nous manquent de plus en plus en France aujourd’hui : les prêtres, les religieux et les religieuses. Seigneur, envoie-nous des prêtres, de saints prêtres. Jeanne priait ainsi, d’après Péguy, pour demander un chef de guerre.

‘Voilà ce qu’il nous faut : c’est un chef de bataille
qui fasse le matin sa prière à genoux
comme eux, avant d’aller frapper dans la bataille
aux anglais outrageux. Mon Dieu, donnez-le nous.
Ô mon Dieu, donnez-nous enfin le chef de guerre,
vaillant comme un archange et qui sache prier…
Qu’il soit chef de bataille et chef de la prière.
Mais qu’il ne sauve pas seulement telle place
en laissant aux Anglais le restant du pays.
Dieu de la France, envoyez-nous un chef qui chasse
de toute France les Anglais bien assaillis…
Ô mon Dieu, donnez-nous enfin le chef de guerre
pareil à celui-là qui vainquit les démons.
Qu’il marche comme un saint dans la bataille humaine,
et que tous ses soldats soient des saints avec lui…’

Jeanne a-t-elle su qu’elle accomplissait ainsi la demande de Jésus : ‘la moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson.’ La prière pour les vocations doit être insistante. Mais cette prière est redoutable : elle engage. Entendant la prière de Jeanne, Dieu lui envoie Saint Michel, Sainte Catherine et Sainte Marguerite : Jeanne le rapporte, sous la plume de Péguy, toujours :

Ô monsieur Saint Michel, ô madame Catherine, ô madame Marguerite,
A présent je sais (…) la voix des immortels :
vous m’avez dit de votre voix inoubliable :
« Jeanne, voici que Dieu t’a choisie à présent ;
Va chasser les Anglais du royaume qu’il aime »
Mes saintes, vous l’avez nommé, le chef de guerre,
vous voulez qu’à présent je sois le chef de guerre,
sainte à la fois pour vous et chef pour les soldats.

La prière pour les vocations est redoutable, car si elle est vraie, sincère, elle travaille celui qui la prononce, pour que lui-même se mette dans la disposition de répondre à l’appel de Dieu pour lui.

 

Troisième point : le temps de la maturation

Péguy continue sa pièce en indiquant le temps qui passe ; un temps qui n’est pas inutile. Trois années séparent le moment où Jeanne a entendu ses voix du moment où elle va partir accomplir sa mission. Trois années où elle laisse cet appel la travailler, où elle résiste.

Mes saintes, vous l’avez nommé, le chef de guerre.
Mais je ne peux pas, moi, conduire les soldats.
Ô mon Dieu, je ne suis qu’une simple bergère
je ne peux pas me battre, ô non, je ne peux pas.
… Envoyez-nous quelqu’un qui sache la besogne,
et soit vraiment de force à mener les soldats…
Moi, je ne pourrai pas.
Ô mon Dieu, donnez-nous un meilleur chef de guerre.

Jeanne résiste à l’appel, mais en même temps, elle se laisse inspirer, et sans qu’elle s’en rende compte, elle accueille les éléments du plan que Dieu lui donne d’accomplir, comme on place les pièces d’un puzzle pour former un dessin signifiant à partir d’éléments épars. Dieu prend le temps nécessaire pour laisser la vocation mûrir, pour faire mûrir une vocation. Un temps de préparation pour que celui qui reçoit l’appel s’en remette complètement à Dieu qui va agir en lui. Dieu creuse la pauvreté en celui qu’il appelle pour remplir de sa force l’espace libéré. Et à un moment, l’heure est venue. La décision de se jeter à l’eau arrive au moment opportun. C’est la nouvelle que les Anglais vont mettre le siège devant Orléans qui va déclencher l’éclosion de la vocation de Jeanne, après 3 ans de maturation, qu’elle aura vécu douloureusement comme un manque de courage :

Mon Dieu,
Pardonnez-moi d’avoir attendu si longtemps
avant de décider ; mais puisque les Anglais
ont décidé d’aller à l’assaut d’Orléans,
je sens qu’il est grand temps que je décide aussi.
Moi, Jeanne, je décide que je vous obéirai.
Moi, Jeanne, je suis votre servante, à vous qui êtes mon maître,
en ce moment-ci, je décide que je vous obéirai.
Vous m’avez commandé d’aller dans la bataille ; j’irai.
Vous m’avez commandé de sauver la France pour monsieur le dauphin. J’y tâcherai.
Je vous promets que je vous obéirai jusqu’au bout. Je le veux. Je sais ce que je dis.

Que l’exemple de Jeanne, relu par Péguy, nous stimule mutuellement dans nos vocations diverses : une vocation en entraîne une autre. Que l’exemple de Jeanne nous incite à prier avec insistance pour les vocations qui nous manquent crucialement aujourd’hui. Que l’exemple de Jeanne, qui a laissé sa vocation mûrir pendant 3 ans, nous donne la patience pour que les vocations se précisent, mûrissent, et deviennent des réponses fermes et irréversibles à l’appel de Dieu.

 

Prions, avec la prière du diocèse pour les vocations :

Esprit saint, donne-nous de persévérer dans la foi,
comme sainte Jeanne d’Arc,
afin que, dans chacune de nos vies, Dieu soit premier servi.
Envoie des ouvriers à ta moisson :
Que nos communautés soient joyeuses et donnent à de nombreux jeunes l’envie de te suivre généreusement,
en particulier comme prêtres et consacré(e)s.
Vierge Marie, toi qui as dit Oui, intercède pour nous,
Sainte Jeanne d’Arc, toi qui as eu le courage de suivre Jésus dans ta petitesse, prie pour nous,
Amen ! Alleluia !